Une interprétation erronée d’une disposition contractuelle peut s’avérer préjudiciable comme peut en témoigner l’employeur qui se prévalait du non-respect de la clause de non-concurrence indiquée au contrat de travail pour réclamer à son ancienne salariée le paiement de la somme de 35.177 euros 1.

En l’occurrence, les parties avaient opté pour une clause de non-concurrence élargie 2 par laquelle la salariée s’interdisait, en cas de licenciement pour faute grave ou de démission, d’exercer sur le territoire luxembourgeois et belge pendant une durée de 12 mois à compter de la rupture du contrat de travail, non seulement les activités exercées directement ou indirectement pour son propre compte, mais également pour le compte d’une tierce entreprise, société ou personne moyennant le paiement d’une indemnité forfaitaire unique équivalent à 6 mois du salaire de base. Le non-respect de cette disposition aurait pour conséquence le remboursement par la salariée de l’indemnité versée par l’employeur et le versement d’une indemnité identique à ce dernier.

Le tribunal du travail s’est vu saisir d’une demande principale de la salariée pour voir condamner l’employeur au paiement de l’indemnité prévue au contrat de travail et d’une demande reconventionnelle de l’employeur pour voir la salariée condamnée à lui payer la même indemnité. Il est utile d’indiquer que la salariée exerçait auprès de son ancien employeur actif dans le domaine de l’immobilier, la fonction de « Responsable Marketing Luxembourg », tandis qu’elle a été embauchée en qualité de « Chargée Marketing et Développement » auprès de son nouvel employeur, une agence active dans le domaine de l’évènementiel et de la conciergerie, de la publicité et de la communication.

En première instance, les deux parties ont été déboutées au motif que la salariée n’avait pas rapporté la preuve d’avoir exercé une fonction distincte et que l’employeur n’avait pas établi que la salariée aurait exercé une activité similaire à la sienne à la suite de son licenciement.

Les deux parties ont fait appel de la décision de première instance. Tout en rappelant que le but d’une clause de non-concurrence est pour le salarié de ne pas exercer des activités similaires pouvant concurrencer celles exercées par son ancien employeur, la Cour d’appel a insisté sur le fait que « l’analyse du respect, respectivement du non-respect d’une telle clause, doit nécessairement prendre en considération le domaine d’activités de l’ancien et du nouvel employeur et non pas uniquement les fonctions exercées par le salarié 3. L’analyse des actes litigieux invoqués par la société intimée doit dès lors nécessairement s’inscrire dans le cadre de l’analyse des branches d’activités des employeurs en cause. »

Alors que l’ancien employeur se bornait à insister sur le fait que son ancienne salariée exerce encore et toujours des activités de marketing, sans contester l’affirmation de cette dernière que son nouvel employeur déploie ses activités dans le domaine de la publicité et de la communication, les seconds juges ont décidé : « qu’il est acquis en cause que les domaines d’activité de la société intimée et du nouvel employeur de l’appelante sont distincts et partant non-concurrentiels » de sorte que le jugement de première instance a été réformé et la salariée s’est vue attribuer l’indemnité réclamée.

Toujours sur le même sujet, la Cour d’appel a rappelé récemment que lorsque les parties ont opté pour une clause de non-concurrence élargie, l’employeur ne peut pas se soustraire à ses obligations en invoquant le caractère excessif de cette clause. Une telle clause ne peut être écartée qu’avec l’accord du salarié ou si le contrat le prévoit expressément 4. Dans la mesure où l’employeur ne peut revenir unilatéralement sur une clause de non-concurrence élargie, il est donc important lors de la rédaction d’une telle clause d’évaluer les véritables enjeux en cause.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL